NE PAS AVOIR D’ENFANT : UNE PUNITION DIVINE – NAISSANCE D’UNE IDÉE REÇUE

Vous l’avez surement remarqué comme moi, dans les communautés musulmanes les enfants sont considérés comme une baraka, une grâce, voire une récompense du Divin. En d’autres termes, ne pas en avoir revient à subir une punition divine.

Cette idée reçue entre en conflit avec le message du Coran. Dans celui-ci, Dieu est omnipotent, Il fait ce qu’Il veut. Des versets le rappellent régulièrement. Les versets 49 et 50 de la sourate 42 le stipulent.

Rien dans le Coran n’indique que l’absence d’enfant résulte d’une mauvaise action ou conduite. Malgré tout, l’idée persiste. Alors d’où vient cette idée ?

Une confusion?

L’origine se trouve peut-être dans l’association fréquente du mot « enfant » au mot « richesse » le Coran, tel que dans les versets 46 dans la sourate 18 ou 6 dans la sourate 17. On peut aisément imaginer dans le contexte du 7siècle dans l’Arabie que les enfants constituaient un symbole de prospérité ; ils représentaient une main d’œuvre, une source de revenu et d’alliance entre clans par le mariage. Ce sont les ainés de la famille patriarcale qui porte la parole parentale sur le plan politique.[1] Ce mot « richesse » a pu être interprété comme une grâce de Dieu.

Néanmoins, aucune allusion dans le Coran à une quelconque récompense n’est évoquée. Des versets dans le Coran (13 : 18 ; 35 : 11) expliquent que seul Dieu sait ce qu’il se trouve dans les ventres des femmes et décide ce qu’Il veut y mettre.

Par ailleurs, les concepts mis en place après le décès du Prophète Mohammed jouent certainement un rôle important dans l’ancrage de l’idée reçue. En effet, des théologiens ont développé au fil des siècles une théorie basée sur la dualité récompense — punition avec la procréation comme enjeu de bénédiction ou de châtiment.

Ces théories ont traversé les siècles jusqu’à devenir un commandement, une vérité coranique si bien qu’elles se retrouvent dans des ouvrages universitaires contemporains. Or ces théories présentent des invraisemblances.

Une vision de la procréation sous influences

Tout d’abord dans le Coran il se trouve plusieurs passages présentant des femmes capables d’enfanter et d’autre pas comme l’épouse de Zacharia et de Pharaon. Ensuite, comme signifié plus haut, Dieu produit ce qu’Il veut dans les utérus. Cela constitue un signe de Sa toute-puissance.

Toutefois, cette multiplicité de profils féminins, d’après Kathryn M.Kueny[2], disparait dans  les exégèses. Par conséquent, seule la vision des théologiens quant à la procréation, le rôle de la femme dans la procréation et la maternité subsiste. Une vision conforme à leur perception patriarcale de l’époque médiévale.

Mais quelle est cette vision ? Dans quel environnement s’est développée cette vision ?

Les théologiens, les savants évoluent dans un contexte de découvertes et de traductions des travaux grecs ; elles vont influencer les théologiens musulmans lesquels commencent à codifier ce qui devient la religion musulmane.

Les commentaires d’écritures des chrétiens et des juifs influencent également l’interprétation des textes par les savants musulmans.

Quelles sont les idées grecques alors?

La recherche des rôles du masculin et du féminin dans la procréation semble un sujet majeur chez les auteurs grecs. La femme tient selon eux un rôle majeur dans la fécondation. Ainsi l’absence de procréation dans les écrits grecs résulterait d’une anomalie physique ou d’un faible caractère moral de la femme.

La stérilité masculine trouve une place dans des textes : les hypothèses d’Hyppocrate (médecin-philosophe) stipulent que la stérilité masculine apparaît comme une cause possible de l’absence de procréation. Cela dit, seule la femme reste réceptrice des traitements contre la stérilité masculine. Autrement dit, le corps féminin concentre selon les théories grecques les solutions aux problèmes d’infertilité et de stérilité. Dans cette logique, on peut comprendre pourquoi même dans nos mentalités contemporaines la stérilité masculine demeure souvent inenvisageable.

Maintenant qu’on détient un début d’explication possible sur la naissance de l’idée reçue il nous faut comprendre comment elle s’est diffusée.

© Crédit photo Dziana Hasanbekava


[1] Jacqueline Chabbi,les trois piliers de l’islam,Points, 2018

[2] Kathryn M.Kueny,Conceiving identities maternity in medieval Muslim discourse and practice, Suny press,2013

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