À première vue, le film Joy disponible sur Netflix raconte le parcours, semé d’embuches, long de dix ans du procédé de fécondation in vitro (FIV) conduisant à la naissance du premier bébé éprouvette au monde, en 1978, au Royaume-Uni. En y regardant de plus près, le film révèle les préoccupations et les idées reçues qui ont cours au XXIe siècle concernant la fertilité au féminin.
La vision de la femme
Le début des recherches menant à la première FIV se situe à la fin des années 60. Le rôle primaire des femmes à cette époque au Royaume-Uni et dans d’autres pays demeure la mise au monde d’enfants. Les sociétés encore dominées par l’influence du religieux assignaient ce rôle aux femmes.
Pour autant, le projet de FIV fut rejeté et par le corps médical et les institutions religieuses. Le projet de FIV n’a pu être mené à bien qu’avec les financements majeurs d’une femme, une riche héritière américaine[1].
Aujourd’hui au XXIe siècle rien n’a changé si ce n’est que les sociétés séparées officiellement de l’autorité de l’Église s’associent aux discours des autorités religieuses pour disséminer l’idée selon laquelle la fonction primaire du corps féminin est la reproduction.
La vision de la femme sans enfant
L’image de la femme sans enfant de nos jours comme auparavant reste celle d’une femme aigrie qui n’aime pas les enfants ou qui les aime trop au point d’en enlever. Rares sont les scénaristes qui différencient : sans enfant par circonstances et sans enfant par choix ; il me semble que les scénaristes[2] de Joy sur Netflix ont décidé que Jean Purdy l’infirmière chercheuse serait une femme sans enfant par circonstances.
Celle sans qui la FIV serait demeurée inachevée devait, aux yeux des scénaristes, avoir LA bonne raison de s’impliquer dans des recherches sur le traitement de l’infertilité. Autrement dit, pourquoi une femme sans enfant ferait-elle une chose pareille ?
Les différents profils de femmes sans enfant
La véritable Jean Purdy décrite par ses amis et anciens collègues comme une femme pieuse qui ne souhaitait pas avoir de relations intimes avant son mariage devient pour les scénaristes de Joy une jeune femme aux multiples relations sans lendemain.
Ce choix de profil pour Jean Purdy (réel ou imaginaire) intervient surement pour démontrer que le personnage ne peut pas avoir d’enfant et justifier son implication dans le projet de FIV.
Par ailleurs, ce choix de profil pour Jean Purdy permet de présenter un portrait méconnu de femme sans enfant au public.
Dans la fiction, Jean Purdy est atteinte d’endométriose sévère, elle sait qu’elle ne peut pas concevoir d’enfant. Alors, elle se voit obligée d’éconduire un homme qui la demande en mariage.
Cette situation de nombreuses femmes la vit. Comment s’impliquer dans une relation lorsque l’on n’ignore pas que des enfants ne feront pas partie de la vie de couple ?
Le choix du célibat quand on ne peut pas procréer
Certaines femmes et certains hommes décident de ne pas s’engager dans une relation par crainte de devoir révéler une infertilité ou un non-désir d’enfant. Alors que d’autres demandent au partenaire dit fertile de les quitter pour se donner une chance d’être parent biologique avec une autre personne.
Ces options douloureuses que s’imposent ces femmes et ces hommes résultent des injonctions sociétales et religieuses (du moins les interprétations que des théologiens et théologiennes en font). Rares sont les sociétés et les communautés qui célèbrent la vie des femmes et des hommes sans enfant que ce soit par choix ou par circonstances. Dernièrement, la Russie a entériné la criminalisation de l’existence de personne sans enfant, heureux.
Pour ne pas terminer sur une note négative, la présence du film Joy sur des plateformes telles que Netflix démontre que les histoires, les parcours, les différents profils de personnes sans enfant sortent de l’invisibilité.
© Crédit photo Pexels – Andrea Piacquadio
[1] FIV voit le jour grâce aux donations conséquente d’une femme, Lillian Lincoln Howell, une Américaine dont on dit qu’elle a rencontré des difficultés à procréer.
[2] Jack Thorne, Rachel Mason