Infertilité, polygamie, poids des traditions, culte de la maternité, tabou de l’infertilité masculine, survie d’un couple sans enfant… voici les thèmes abordés dans le livre Reste avec moi (Stay with me son titre original) écrit par Ayòbámi Adébáyò.
Quand j’ai lu le résumé du livre, je me suis dit « je dois le lire ! ». On y décrit un couple amoureux, Akin et sa femme Yejide mariés depuis 4 ans et « toujours » pas d’enfant; une seconde épouse arrive un jour chez eux. Yejide bouleversée tente tout pour concevoir un bébé et sauver son mariage.
C’est assez rare de lire les ressentis d’une femme qui se sent menacée par une seconde épouse parce qu’elle n’a pas d’enfant. Yedije a beau être un personnage de fiction, elle raconte l’histoire de beaucoup de femmes. Je pense qu’il s’agit d’une des volontés de l’auteure que d’explorer les réalités de femmes, mais aussi d’hommes au Nigeria confrontés à l’absence d’enfant après quelques années de mariage.
Dans les familles musulmanes qui pratiquent la polygamie, on essaie toujours de vous vendre de jolies histoires de co-épouses qui s’entendent à merveille. Si l’on adhère à l’interprétation du verset du Coran qui autoriserait la polygamie, vendre cette histoire merveilleuse de l’entente parfaite entre co-épouses est une nécessité. Hélas, l’on sait bien que la réalité raconte souvent une tout autre histoire.
La polygamie imposée
Le roman se déroule au Nigeria en Afrique de l’Ouest. La polygamie existe dans la culture du pays, quelle que soit la confession religieuse.
Le couple que forment les personnages Yejide et Akin est chrétien d’obédience anglicane.
Tout au long du livre, Ayòbámi Adébáyò décrit au lecteur les perceptions et sentiments de l’homme et de la femme face à la vie de couple sans enfant jusqu’à l’arrivée de la seconde épouse imposée par la famille d’Akin. Akin est le fils ainé, il n’est pas concevable qu’il n’ait pas d’héritiers.
Comme souvent dans ces situations la personne blâmée pour l’absence d’enfant reste la femme, Yejide, une femme orpheline de mère une circonstance lui conférant déjà un statut d’inférieure.
Chacun des personnages envisage toutes les solutions de son côté afin d’offrir le bébé : les remèdes traditionnels pour Yejide et un acte inimaginable à bien des égards pour Akin.
L’injonction de procréer… vers la destruction du couple
On ressent bien la pression d’être mère dans la culture nigériane à mesure que l’on découvre les citations relatives à la valeur d’une femme à travers sa maternité.
De mon point de vue, Ayòbámi Adébáyò nous dépeint bien les palettes d’options qui s’offrent au couple sans enfant dans un contexte ou il n’est pas envisageable de ne pas être parent en plus d’un contexte ou l’infertilité est une tare.

Le livre que j’ai acheté mentionne une citation du magazine The Economist « un déchirant roman sur la façon dont le désir d’enfant peut détruire une femme, un mariage, une famille ».
Moi j’écrirais que c’est un roman sur la façon dont la nécessité d’avoir un enfant ou l’injonction à la procréation détruit des femmes, des hommes, des mariages et des familles.
Remarque
Ce livre à mon sens ne convient pas aux personnes sans enfant par circonstance en processus de deuil, ou qui craignent des éléments déclencheurs tels que la description de la maternité ou la perte d’un enfant.
© Crédit photo Viktor Forgacs – Unsplash