RÉFLEXION : LA MÉDECINE AU SERVICE DE LA THÉOLOGIE PROCRÉATIVE ?

Bon nombre de médecins se défendraient d’être au service de quelconque théologie religieuse ; mais à mon sens, on peut faire le parallèle entre les théologies procréatives agressives religieuses, dont des théologies musulmanes et la médecine procréative.

La médecine moderne s’est éloignée de la religion sur laquelle elle reposait essentiellement. Néanmoins, le sujet de la procréation reste sensible. Il semblerait que la misogynie persiste malgré tout dans l’inconscient collectif de la profession médicale.

Cette réflexion je me la suis faite assez tôt, avec d’autres termes. Lorsque j’étais adolescente, j’entendais des médecins dans des reportages de journaux télévisés demander aux femmes de se dépêcher d’avoir des enfants assez jeunes. Cela me mettait en colère et je trouvais cela très gênant : fallait-il que des femmes conçoivent ces enfants avec le premier venu ? 

Des idées reçues qui persistent

Dernièrement, j’ai lu l’ouvrage, le droit de choisir[1] du Dr René Frydman, gynécologue obstétrique pionnier de la médecine procréative. Ce livre explique les raisons de la rédaction d’un manifeste en 2016 signé par 200 praticiens de la médecine procréative. Ce manifeste vise à faire comprendre les raisons pour lesquelles il faudrait un changement dans la loi française pour permettre une meilleure assistance à la procréation. C’est-à-dire autoriser l’utilisation de toutes les technologies existantes pour augmenter les chances de fécondation. Par exemple étudier les embryons et écarter ceux qui provoqueraient de fait une interruption naturelle de grossesse (fausse couche).

Jusqu’ici, rien de choquant.

Toutefois, selon moi, le Dr René Frydman laisse entendre ici et là que la responsabilité de la grossesse, les échecs éventuels sont la seule responsabilité de la femme. Pour résumer, l’on comprend que pour le Dr Frydman, le rôle intrinsèque du féminin est d’enfanter. Non seulement il s’agirait de son unique rôle, mais chaque femme naitrait avec le désir d’enfant, un désir inhérent à sa condition d’être féminin.

« C’est leur premier contact avec la médecine reproductive. Elles viennent de se réveiller au milieu de la trentaine. Leur désir d’enfant, tapi, ensommeillé a pris vie soudain… »

Ainsi parle le Dr Frydman de ses patientes trentenaire lors d’une première consultation.

Des réalités consciemment ou inconsciemment occultées

Les quelques lignes du médecin ne révèlent rien de la vie de « celles qui viennent de se réveiller ». Étaient-elles ambivalentes quant au désir d’enfant ? Vivaient-elles avec un partenaire violent qu’elles n’ont pu quitter que tardivement avant une autre rencontre ? Ont-elles attendu la sécurité de l’emploi en vain avant de décider avec leur partenaire qu’ils devaient tout de même concevoir. Le Dr Frydman ne divulgue rien des réponses à ses questions au lecteur ce qui me fait penser que ce médecin malgré toute l’ouverture d’esprit qu’il semble nous dépeindre est convaincu que le rôle du féminin est d’enfanter.

Dans ce manifeste, les solutions suggérées pour éviter de s’engager trop tardivement dans le parcours de PMA sont de mener des campagnes auprès des femmes pour leur rappeler leur « horloge biologique » ; les contraindre, en quelque sorte, à procréer avant 35 ans, l’âge où le taux d’embryon chute drastiquement. Aucune recommandation de campagne pour la chute de fertilité masculine n’est proposée. Rien n’est indiqué non plus sur l’âge des partenaires des femmes de plus de trente-cinq ans engagés dans les parcours de PMA. Aucune suggestion de campagne pour expliciter les effets de notre hygiène de vie, de l’environnement sur la fertilité.

Les médecins se font les alliés des théologiens et théologiennes qui enjoignent les femmes — comme s’il s’agissait de l’ultime devoir religieux — à engendrer des enfants mais ils accablent les femmes dans l’impossibilité de procréer et celles qui n’en ont pas le désir.


© Crédit photo Pexels-Pixabay


[1] René Frydman, Le Droit De Choisir Manifeste Des Médecins Et Biologistes De La Procréation Médicale Assistée, le Seuil, 2017

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