Oui, le Coran mentionne l’adoption. Les épouses de puissants d’Égypte à différentes époques suggèrent l’adoption de Joseph (Yousouf)[1] et Moïse (Moussa)[2]. Cependant, les parents adoptifs ne sont pas la préoccupation du Coran. Le Livre Saint ne s’intéresse qu’au traitement juste et équitable des orphelins.
De nos jours, lorsque l’on évoque l’adoption c’est essentiellement (pour ne pas écrire uniquement) du point de vue de futurs parents adoptifs. Seuls leurs besoins d’aider des enfants, leur rêve, leur désir de parentalité ou bien leur souffrance face à l’infertilité sont mentionnés et pris en compte.
Or, le Coran ne se soucie essentiellement que des orphelins. Seuls le bon traitement et la justice envers eux importent.
Qui sont les orphelins ?
Des commentaires considèrent un enfant orphelin lorsque le père est décédé ; d’autres attestent que l’absence des deux parents entraine le statut d’orphelin d’un enfant.
Le Prophète Mohammed est un orphelin de père avant sa naissance et de mère à l’âge de six ans. Le Coran le décrit comme un orphelin.[3]
Les principes du Coran sont basés sur la justice. Ainsi, des versets enjoignent, à plusieurs reprises, les croyants à ne pas s’emparer de ce qui appartient aux orphelins en propriété et autre bien. Une exception est faite lorsque la famille d’accueil n’a pas suffisamment de moyens, elle peut user de certains de leurs biens, mais de manière raisonnable[4].
On peut en conclure que la protection des plus vulnérables constitue le but de la prise en charge des personnes sans parents.
Selon moi, l’équivalent islamique de parents adoptifs est famille d’accueil.
Adopter : générosité ou égoïsme ?
Faire « sien » un enfant devient primordial dans la majorité des sociétés au point que révéler à un enfant son adoption se transforme en une source d’angoisse et de déchirement dans certaines familles.
Pour les musulmans, le sujet est perçu sous un angle différent étant donné que les enfants pris en charge ne deviennent pas les « enfants » des personnes adoptantes. En théorie, les enfants doivent garder leur pleine identité. Ils doivent connaitre leurs filiations.
Dans le Coran, la protection des plus vulnérables se veut l’objectif premier de la famille d’accueil.
Les versets du Coran semblent règlementer l’encadrement des orphelins. Néanmoins, aujourd’hui la motivation pécuniaire rejetée par le Coran paraît avoir été remplacée par une motivation déguisée en acte spirituel.
Slogan : l’adoption c’est l’accès direct au paradis
Adopter des enfants serait la garantie du paradis pour les parents adoptants. Cette idée s’inspire certainement d’un hadith[5] largement répandu stipulant que le Prophète Mohammed a levé son majeur et son index pour signifier que la personne qui prend soin d’un orphelin et lui-même seront attachés comme les deux doigts au paradis. Ce qui n’est pas précisé c’est qu’un autre hadith donne des explications sur la meilleure des maisonnées, celle ou les orphelins sont bien traités et la pire des maisonnées celle ou les orphelins sont mal traités.
Ma question : est-ce qu’un criminel.le se voit garantir l’accès au paradis pour son seul statut de parent adoptif ?
La promesse de paradis agitée pour encourager des couples à l’adoption risque dans un sens d’attirer également des personnes peu scrupuleuses motivées uniquement par leur intérêt personnel. Une dérive que le Coran tente pourtant d’éviter en encadrant la tutelle des orphelins.
Ce type de dérapage est malheureusement en pratique dans certains pays lorsque des allocations versées aux familles d’accueil deviennent pour des personnes peu consciencieuses un moyen facile de gagner de l’argent en se souciant peu des besoins physiques et émotionnels des enfants à leur charge.
La course à l’adoption pour se conformer aux normes de sociétés ou supposées religieuses
L’adoption ou la prise en charge d’un orphelin reste une responsabilité énorme. Cela m’inquiète que le sujet soit soumis à une forme de marchandage religieux.
Peut-on réellement évaluer les dommages d’un scénario « marketant » l’adoption comme un accès direct au paradis ?
Ne va-t-on pas avec un tel scénario contraindre tous les couples sans enfants par circonstances à choisir cette option même si elle ne leur convient pas ? La question apparaît légitime parce que des parents adoptants se sentent toujours sans enfant après une adoption. L’adoption ne comble pas leur manque de filiation biologique.
Parce que le bien-être d’enfants est enjeu, tous ces aspects méritent d’être discutés.
© Crédit photo Leeloo Thefirst
[1] Sourate 12 : 21
[2] Sourate 28 : 9
[3] Sourate 93
[4] Sourate 4 : 6
[5] Texte contenant les dires et/ou les gestes du Prophète transmis oralement collectés puis rassemblés dans des recueils