ÊTRE SANS ENFANT APRÈS UNE FAUSSE COUCHE

J’utilise le terme « fausse couche » plus connu, mais le meilleur terme serait « interruption naturelle de grossesse ».

Dans la série américaine Good Doctor de David Shore, un des personnages féminins, Léa, enceinte, à quelques semaines du terme se voit annoncer la mort de son bébé. Deux solutions se présentent à elle : un accouchement par voix basse du bébé sans vie ou une césarienne. La réponse de l’héroïne est sans appel, elle refuse de vivre un accouchement si elle doit repartir sans un bébé. Elle choisit l’intervention chirurgicale.

Léa a vécu ce qu’on appelle une mort in utero, que l’on classe parfois communément dans la catégorie des « fausse couche ». Néanmoins, rien de faux dans son expérience, elle a bien vécu une grossesse. Que la grossesse dure une semaine ou huit semaines, la grossesse est réelle. La fin prématurée de celle-ci reste un drame pour les femmes et leur partenaire.   

En France, des personnes militent en faveur de l’adoption de l’utilisation « d’interruption naturelle de grossesse » plus proche de la réalité que le sous-entendu de faux accouchement. Qu’importe le terme utilisé dans les différentes langues, la terminaison prématurée de grossesse reste invisible, jamais discutée surtout si cela survient avant une annonce officielle de grossesse habituellement au bout de trois ou quatre mois.

Un silence autour de la fausse couche problématique

Ce silence imposé engendre de nombreux problèmes étant donné qu’une grossesse a bien lieu ; dans certains cas, un bébé a bien manifesté sa présence aux parents par des coups de pied dans le ventre. La perte, qu’elle soit par interruption médicale ou naturelle se produit véritablement. La douleur est réelle. Le deuil est réel.

Malheureusement dans bien des cas peu dans un entourage proche ont connaissance de l’épreuve vécue encore moins sur son lieu de travail. Pire lorsque cela est connu, le traumatisme est minimisé.

Dans certaines cultures si l’enfant n’est pas là, il ne s’est rien passé. Des femmes se voient réconforter rapidement « inshaAllah la prochaine fois tu en auras un autre ».

Les raisons d’une minimalisation dans les communautés musulmanes

L’accouchement dans les communautés musulmanes se veut une démonstration de la force du féminin, la réalisation ultime de la femme. Les douleurs occasionnées par l’accouchement par voix basse expliqueraient la supériorité de la mère sur le père. Un hadith[1] très populaire attribué au Prophète raconte qu’une mère arriverait en première position trois fois avant le père. Le Coran évoque plutôt le respect dû à la portée et les années avant le sevrage du bébé par la femme ; les deux parents sont sur un même pied d’égalité lorsque l’on demande à l’enfant la bonté envers eux et d’adresser une prière de gratitude une fois âgé de 40 ans[2].

Parce que les interruptions de grossesse ne sont pas considérées, leurs douleurs physiques et émotionnelles sont occultées. Elles ne sont pourtant pas moindres. Des femmes atteintes de maladie gynécologique ayant vécu des accouchements à terme et des interruptions de grossesse décrivent leur douleur de règles plus intenses que celles d’un accouchement.

Les douleurs varient d’une femme à une autre, elles ne sont pas quantifiables et encore moins sujettes à hiérarchie.

Explications religieuses

Selon les interprétations des écoles de jurisprudence musulmanes, la terminaison d’une grossesse survenue avant les quatre mois n’exige ni un enterrement ni l’attribution d’un prénom. Car des théologiens en s’appuyant sur des hadiths et un verset du Coran[3] ont conclu que l’âme était insufflée au bout du 4e mois de grossesse.

En se reposant dessus certains musulmans ne considèrent pas une fausse couche avant le 4e mois comme un triste évènement, mais un non-évènement.

Des couples traversent pourtant un deuil.

Une communication dans les communautés musulmanes sur ce que représente une interruption naturelle de grossesse devrait permettre une meilleure connaissance du double deuil des couples confrontés à une, deux, trois, quatre, cinq et plus de fausse couche avec au bout de leur parcours aucun enfant. Non seulement une meilleure compréhension émergerait, mais également un accompagnement spirituel adapté.


© Crédit photo unsplach Vlada Karpovich


[1] Paroles, faits et gestes attribués au Prophète Mohammed

[2] Sourate 46 : 15

[3] Sourate 23 : 12-14

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