Victime ou source de mauvais œil pour les parents ? D’abord jugées victimes du mauvais œil, les femmes sans enfant (le mauvais œil se conjugue aussi au féminin !) passé un certain âge, deviennent bourreaux ; elles seraient à l’origine de supposé mauvais œil. Elles sont donc à éviter.
Dans des communautés musulmanes, concevoir des enfants constitue une obligation. Beaucoup de musulmans ont la conviction que c’est une baraka, au mieux une récompense divine. Ces mêmes personnes expliquent l’absence d’enfant par une action punitive du Divin. Ayant cela à l’esprit, la famille ou les parents d’un nouveau-né redoutent les visites d’une femme sans enfant (fse) ou d’un homme sans enfant (hse).
Ainsi, dans un article, Papreen Nahar et Annemiek Richters décrivent une croyance au Bangladesh selon laquelle voir le visage d’une femme sans enfant porte malheur.[1]
Le mauvais œil une croyance planétaire
La croyance dans le mauvais œil se trouve dans de nombreuses cultures du monde. Elle n’est pas exclusive à la culture orientale et arabo-musulmane, elle se décline sur tous les continents.
La croyance dans le mauvais œil considère qu’une fascination véhiculée par les yeux peut détruire l’objet de l’envie. Ainsi Slimane Touhami, anthropologue, décrit les possibles objets d’envie : l’agriculture, les vaches, une charrette, la beauté, etc. En Italie, il tarit les mamelles des jeunes mères, en Galice il fait renverser les charrettes[2]. Dans les communautés de tradition musulmane, la parole est aussi redoutée. Le sort est conjuré avec la formule ce que Dieu veut, c’est la volonté de Dieu. (MashaAllah)
Evidemment, dans des sociétés où la conviction que chaque être humain souhaite un enfant ou bien que la position au sein d’une communauté dépende du statut de parent, beaucoup présument que les enfants ou les parents sont enviés. Ils sont donc à cacher de la vue des personnes sans enfants.
Une double peine pour les FSE par circonstance
Les femmes sans enfant par circonstance vivent d’abord le deuil. Le deuil d’un enfant souhaité qu’elles ne peuvent pas avoir ; le deuil de ne pas avoir trouvé un partenaire à temps pour tenter de concevoir un enfant, le deuil de se savoir infertile, le deuil des échecs à répétitions des PMA. Ensuite, ces femmes affrontent l’ostracisme dans leur communauté religieuse et la stigmatisation dans la société alors qu’elles recherchent souvent du soutien.
Les pressions dans certaines communautés sont tellement fortes que « femme sans enfant » devient un job à plein temps ; on leur en demande plus. On leur demande de prouver leur bonne foi si ce n’est leur bonne joie face aux évènements heureux touchant leurs proches ou leurs amis.
Une connaissance à l’aube de la soixantaine, mariée et originaire d’un pays d’Afrique subsaharienne s’est retrouvé dans une situation insensée. Elle souhaitait se rendre au mariage de sa nièce, mais souffrante elle pensa annuler. Seulement elle s’est sentie obligée d’y participer malgré sa maladie évidente parce qu’elle s’inquiétait des commentaires, maintes fois entendus, sur sa supposée jalousie en raison de son absence d’enfant.
Dans d’autres cas, on ne leur laisse même pas la possibilité de vivre les joies et les peines avec des proches ou des amis. Par exemple les grossesses leur sont cachées jusqu’à terme de peur de leur « mauvais œil »!
Chacun devrait alors se rappeler que les étoiles sont de dimensions variables par conséquent la différence est voulue par le Divin. Le Créateur ne s’est pas trompé, Il a souhaité des femmes et des hommes sans enfant.
Les hommes et les femmes sans enfant par choix et par circonstance ont tant à offrir. Que des parents n’en profite pas est peut-être le … mauvais œil !
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[1] Papreen Nahar and Annemieck Richters « Suffering of childless women in Bangladesh : the intersection of social identities of gender and class » Dans Anthropology and Medecine ,2011
[2] Slimane Touhami La part de l’œil une ethnologie du Maghreb de France, 2010