MUSULMANS CHILDFREE (SANS ENFANT PAR CHOIX) : AMNESIE COLLECTIVE OU MEMOIRE SÉLECTIVE ?

Se déclarer Childfree sans enfant par choix constituerait une hérésie. C’est du moins ce qu’affirment certains prédicateurs dans des interventions un peu plus nombreuses sur le sujet des personnes sans enfant depuis récemment. Les personnes sans enfant par circonstance semblent avoir la sympathie des prédicateurs : le statut de musulmans leur est encore accordé.

En revanche, les musulmans choisissant de ne pas procréer inquiètent des prédicateurs et des théologiens. Cette décision ne serait pas islamique. Or, Childfree (demeurer sans enfant par choix) n’est ni une invention du XXIe siècle ni une pratique occidentale réservée aux non-musulmans.

Rappelons qu’en islam la finalité du mariage n’est pas la reproduction. Le coït interrompu représentait la méthode contraceptive effectuée et acceptée à l’époque. Certains y voient les prémices du planning familial, d’autres y voient  la   préfiguration d’une  option de procréer ou pas.

Alors amnésie collective ou mémoire sélective ?

Rafraîchir la mémoire

De nombreuses figures très respectées dans l’histoire de l’islam et les communautés musulmanes pourraient être décrites comme des personnes sans enfant par choix (childfree).

Abu Ahmid Al-Ghazali (1058-1111), théologien-philosophe, explique dans une autobiographie[1], sa crise spirituelle à l’issue de laquelle il renonce au monde d’ici-bas. Il adopte le soufisme et développe une pensée éducative. Une pensée insistant sur la responsabilité des parents et de la société dans la formation d’un individu. Cette démarche correspond pour beaucoup aux fondements des travaux parus des siècles plus tard sur le développement de l’enfant.

 Citons, Rabiyah al Adawiya (717 – 801) qui renonça au mariage afin de se consacrer à sa relation avec le Divin. Ce choix à cette époque équivalait au rejet de la maternité.

Lady Fatima Masoumeh (790-816), fille d’un des douze imams[2] de la tradition chiite, décède à l’âge de vingt-huit ans, célibataire et sans enfant. Femme pieuse, illustre dans la tradition chiite, elle représente à l’instar d’autres figures comme Fatima-Zahra la fille du prophète Mohammed un modelé pour les musulmanes de rite chiite.

Néanmoins, son célibat et son statut de femme sans enfant ont nécessité quelques révisions contemporaines de sa biographie, l’image idéale de la femme modèle étant celle de femme mariée et mère. C’est en partie ce que défend la sociologue Ladan Rahbari.[3] Selon elle, les théologiens s’efforcent toujours d’expliquer le célibat de Lady Fatima Masoumeh par des raisons extraordinaires, sans jamais vouloir attribuer ce célibat et l’absence d’enfant à un choix.

 Ainsi sa piété aurait atteint un niveau tel que lui trouver un mari compatible demeurait impossible. Cet argument établit d’une part d’après la chercheuse que vingt-huit ans à l’époque et aujourd’hui constitue un âge très avancé pour une femme célibataire. D’autre part, il démontre l’importance pour les autorités religieuse et politique d’harmoniser leurs interprétations, leur vision de la femme musulmane et la réalité historique.

Une contrainte à la procréation dans le Coran ?

Est-ce à dire que les hommes et les femmes sans enfant doivent se consacrer exclusivement au Divin pour justifier le célibat et une vie sans enfant ? Certainement pas. La vie d’ascète dans le Coran n’est ni vantée ni condamnée, le verset 27 de la sourate 57 l’établit assez clairement. Aucune assertion sur l’obligation de procréation n’est avancée pour interdire une telle pratique.

Le message du Coran ne semble donc pas ordonner l’enfantement ce qui entrerait en totale contradiction avec le verset expliquant que le Créateur donne (des enfants) à qui Il veut.

C’est du côté des hadiths (actes et paroles) supposément attribués au Prophète Mohammed que se trouvent les arguments d’une obligation de procréation. Ces arguments condamnent ainsi les personnes childfree ou enjoignent les hommes et les femmes sans enfant par circonstance à user de tous les moyens pour concevoir.

J’explorerai cette question dans un prochain article.


© Crédit photo pexels – Pavel Danilyuk


[1] La délivrance de l’erreur, Al – Ghazali

[2] Dans la branche chiite des musulmans, les imams sont considérés comme les successeurs légitimes du Prophète Mohammed

[3] Politics of Non-Motherhood in Shi’a Islam: Imagery and Narratives around Fatemeh-Masoumeh of Qom in Turkish Journal of Shiite studies, June 2020

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